26 novembre 2016

Jean-Baptiste LISLET-GEOFFROY

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Sa vie profane
Né le 23 août 1755 à SAINT-PIERRE, Ile de La REUNION
Décédé le 8 février 1836 à PORT-LOUIS, Ile MAURICE

• Cartographe

Enfant naturel, comme on disait à l’époque, non reconnu et sans patronyme, il n’acquérera ce dernier que quarante années plus tard.
Il était légalement impossible à M. Geoffroy père, d’épouser Niama en justes noces, même affranchie, pas plus qu’il lui était loisible de reconnaître son fils, quand bien même l’eut-il souhaité ardemment.

Notons que lorsqu’en 1755, Geoffroy-père demande au Conseil Supérieur de l’affranchir, il justifie sa requête en précisant qu’il doit “un service considérable de sa plus ancienne esclave nommée Niama, négresse de Guinée, particulièrement dans une maladie de deux ans.” Celle-ci fut donc, selon Jérôme Jolivet, la cinquième femme affranchie de Bourbon, elle sera d’ailleurs une des toutes premières à obtenir une concession jouxtant celle de M. Geoffroy.

Comme le couple s’était établi dans la région de la rivière d’Abord, dans un lieu-dit “L’islet Bassin plat”, cela valut à l’enfant son surnom de “Lislet”, qui ne quitta plus son patronyme, du moins lorsqu’il lui fut devenu possible de porter ce dernier, c’est-à-dire à compter de 1794. Cela eut le mérite de lui conférer une identité particulière, ce qui était rarissime voire unique en cette période d’esclavage.

C’est en 1794, en effet, que M. Geoffroy père, put enfin bénéficier de l’opportunité légale que lui accorda la Convention, d’enfin pouvoir adopter légalement son fils, Jean-Baptiste Lislet, et faire ainsi de lui son héritier.

Son père, ingénieur de la Compagnie des Indes, est un érudit, féru de technique, peintre de talent, il sut procurer à son fils aîné une instruction de grande qualité pour l’époque. L’année précédente, la famille de Lislet quitte Saint-Pierre pour l’Isle de France et décide vraisemblablement de s’établir à Port-Louis. De cet événement fortuit et certainement professionnel, naîtra une ascension intellectuelle sans faute note.

L’arrivée des Geoffroy à Port-Louis coïncide avec l’entreprise de grands travaux dirigés par le chevalier de Tromelin et destinés à transformer Port-Louis en un grand port d’envergure régionale. Dès seize ans, Lislet travaille aux Ponts et Chaussées comme «piqueur sur les chemins du gouvernement».
Lorsqu’en 1771, Commerson décide de visiter le Piton de la Fournaise en compagnie du chevalier de Saint Lubin et M. de Crémont, intendant de l’Ile Bourbon, il paraît tout naturel que ce soit Lislet Geoffroy qui les guide et les accompagne.

En 1780, il est alors nommé dessinateur en génie militaire, il a alors 25 ans.

On lui doit également à la même époque, les premières observations météorologiques qu’il tiendra avec régularité durant cinquante années. Il entreprend une étude scientifique sur la résistance et la densité des bois tropicaux, en comparaison des bois européens.
A chaque fois, il rend compte de ses travaux à Paris, tant et si bien que le 23 août 1786, âgé de 31 ans, il se voit admis comme correspondant officiel de l’Académie Royale des Sciences, avec pour parrainage, le duc de La Rochefoucauld, cousin du roi.

C’est le premier homme de couleur à obtenir pareille distinction. Louis Arago, autre scientifique brillant, prononcera cet éloge de Lislet Geoffroy :

Au point de vue de la géographie, la dette envers Lislet Geoffroy est énorme, surtout si l’on considère qu’à cette époque, la connaissance des côtes et des routes maritimes revêtait une importance cruciale au niveau stratégique et colonial. Il sera d’ailleurs inscrit à la section de géographie et navigation de l’Institut de France.

Toute sa vie, Lislet dressa des cartes d’une précision indiscutable, on lui doit la connaissance parfaite des contours de Madagascar, de La Réunion et de Maurice, idem pour les Seychelles ou Rodrigues.

La portée de ses travaux fut immense pour l’histoire de la navigation dans l’océan Indien.
En 1787, il relève la carte de la baie de Sainte-Luce, en 1793, c’est au tour des îles Seychelles, en 1797, ce sont celles de La Réunion et de l’Isle de France. Le gouverneur Malartic le nomme même officier-adjoint du Génie militaire.

A partir du 4 janvier 1816, il sera en charge du dépôt des chartes et journaux de Maurice.

Officier adjoint dès 1794, en 1803, le général Decaën, alors commandant des colonies orientales, le promeut au grade de capitaine du Génie. C’est dans cet uniforme que Louis-Antoine Roussin en fit le portrait conservé par la Société Royale des Arts et des Sciences de Maurice.

Sous la colonisation française de l’île, Lislet-Geoffroy n’obtint jamais de poste de premier plan, cela s’avérait impossible de par la législation esclavagiste, raciste et ségrégationniste du Code Noir, puis du Code Napoléon. Malgré toute la reconnaissance qu’il lui témoigna, le général Decaen dut lui avouer, se confiant à lui, «qu’il ne pouvait l’appeler aux hautes fonctions pour lesquelles son savoir et ses talents le désignaient tout naturellement, en raison de sa position sociale.»

Sir Robert Townsend Farquhar lui offrira ainsi de demeurer à Maurice, lui proposant un poste important.

Veuf et avec deux enfants encore en bas âge, cela l’intéressera d’autant plus que Louis XVIII venait injustement de lui refuser la pension à laquelle il avait pourtant droit pour services rendus. Sans fortune personnelle, il demeura donc à Maurice en tant qu’ingénieur géographe de sa majesté britannique, trop content de pouvoir enfin faire valoir ses services à leur juste prix.
On lui doit la fondation, en 1801, de la Société des sciences et des Arts de l’Isle de France, puis celle de la Société d’émulation en 1805, celle de la Société d’Histoire naturelle de l’Ile Maurice, en 1829.

C’est dans sa modeste maison de la rue d’Artois qu’il s’éteint, le 8 février 1836, ayant eu le temps de vivre l’abolition de l’esclavage.

Sa vie maçonnique
• Initié en 1789 à la loge de PORT-LOUIS, Ile MAURICE

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